L'étreinte des flammes

Un coffre tout usé, laissant échapper par ses fissures de la poussière magique aux senteurs forestières, renfermant les précieuses bûches, tel un écrin fier de ses joyaux et, tout contre lui…

Il avait un jour été étincelant par sa blancheur… l’émail est à présent écaillé par endroit, la pureté de son manteau a enfilé un voile couleur ivoire… mais, il trône là, timidement, dans un coin de la cuisine, effectuant son devoir avec bravoure, à la fougue de son âme, faisant crépiter dans son antre de chaleureuses étreintes…
Je le contemple, il me sourit de ses innombrables ouvertures comme des passages secrets vers des aventures dont lui seul détient les clés, et qui font transparaître des yeux, un nez, une bouche, qui gourmande ne demande qu’à accueillir des plats prêts à se faire dorer, des gâteaux, des rôtis, des bredeles...
A l’intérieur de celles-ci les flammes ardentes de leurs jeux incessants éparpillent, diffusent la douce chaleur, comme une caresse sur ma peau je la sens glisser. Dans ce poêle à bois, j’y ai bien souvent fait cuire des pommes, alignées dans le plat tel des soldats au garde à vous, renfermant dans leurs cratères, du beurre, du sucre, de la cannelle qui, lentement dans ce cocoon, se laissent envelopper d’une torpeur sensuelle, amenant le fruit à une tendre cuisson, laissant ses couleurs naturelles s’estomper et en épouser des nouvelles.
Pendant ce temps, le mystérieux couple sucre-cannelle se transforme en un doux miel aux saveurs exotiques finissant par laisser jaillir et pétiller leur allégresse, tel un volcan en éruption, la lave vient recouvrir d’élégance la fragilité de celle qui fût croquante.
La maisonnée s’enivre de succulents parfums, les papilles se mettent à entonner la mélodie de l’attente à la dégustation…
Le dessus de cet imposant mastodonte est formé d’une grande plaque noire, plaque que je ne cesse d’astiquer, essayant, en vain de lui rendre un semblant de jeunesse et se répartissant ce territoire, quatre orifices recouverts eux-mêmes de cercles formant ainsi des robes à volant, toujours prêtes à dissimuler sous leurs jupons la folie des passions enflammées… je les voie taquiner les bûches, un titillement par ici, un autre là-bas, agiles, intrépides, elles les enlacent, s’en détachent, puis recommencent, séduction continuelle jusqu’à ce que toutes entières finissent par s’en trouver embrasées et que de toutes leurs forces je les entendent s’embrasser au cœur de leurs frissons.
Pendant ce temps, les chatouillis de leurs espiègleries ont fini par émoustiller l’eau, qui jusque là dormait paisiblement dans le récipient prévu à cet effet qui, comme tout ce curieux assemblage est issu d’une époque autre que la mienne, une époque où il était roi. Un roi procurant chaleur, permettant la cuisson et accueillant autour de lui des veillées de paroles envoûtantes où nul ne s’ennuis…
un roi qui accepte mon papier journal, le craquement de mon allumette pour seul présent…au merveilleux voyage m’emmenant de la banquise au Sahara…