Les pensées des soleils
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 Les rivières sucrées

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Eolé




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Localisation : Alsace/France
Date d'inscription : 06/03/2007

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MessageSujet: Les rivières sucrées   Les rivières sucrées Icon_minitimeDim 6 Mai - 21:59

C'était une grande maison, à étages, faisant l'angle d'une rue, au coeur d'une petite ville enclavée dans la campagne et située à côté d'une rivière dénommée Moder.
De l'extérieur, on apercevait de grandes fenêtres laissant échapper les rythmes des mélodies du moment et à chacune d'entre elles, d'innombrables plantes vertes en pot.
Ma mère affectionnait, bichonnait ses plantes, j'ai une anecdote en rapport à ce sujet. J'avais vu dans un livret qu'il existait des plantes carnivores, cela m'avait grandement interpellé. Je suis allée essayer d'en savoir plus auprès des adultes qui m'avaient fourni une explication n'ayant point comblé ma curiosité mais ce que mon esprit avait retenu c'est que les plantes se nourrissent par les racines. Ah ! Voilà une information exploitable ! Moi qui refusait d'ingérer de la viande, après l'avoir découpée en morceaux j'avais trouvé le truc pour m'en débarrasser, (comme de toute façon je finissais toujours seule à table pour finir mon assiette) à pas de velours, j'allais les enfoncer dans la terre de ces superbes pots, en me disant que ces fameuses racines finiraient bien par la manger !!! Ahhh, oui, il y avait de la suite dans les idées ! Cela dura un temps...
A l'intérieur, une cour fermée, centre d'un ancien corps de ferme. C'est la cour de mes jeux d'enfant, la cour où je chantais en tournoyant sur moi-même, appelant le soleil et, qui, quand il apparaissait me faisait croire que mes paroles et mes danses à "l'Indienne" avaient fini par atteindre un Dieu habitant au-dessus des nuages.
C'est là aussi qu'est né un intense désir de voler tel un oiseau et être libre tel le vent, je n'avais pas compris alors que je n'avais pas besoin d'ailes pour cela, qu'en fait j'ai toujours su voler.
C'était une cour constituée par de gros pavés gris (du granit il me semble), sortant du sol, entre ceux-ci poussait de l'herbe et quelques fleurs que venaient butiner les insectes, que tantôt j'observais avec émerveillement, tantôt j'essayais d'attraper, si je grattais un peu le sol, j'y découvrais d'autres espèces vivant sous terre que j'allais également déranger.
Au fond, un banc en bois délavé par les pluies ; tout autour de vieilles portes donnant accès à ce qui avait, un jour, été une étable, des greniers à grains, à houblon, autant d'endroits où il faisait bon jouer à "cache-cache" et s'inventer de nouvelles légendes voyageant à travers des contrées imaginaires.
A l'autre extrémité, un ancien lavoir en grés des Vosges recouvert de lichen, la pompe manuelle permettait de faire couler l'eau fraîche avec laquelle je m'éclaboussais en été, et qui me faisait revivre le plaisir éprouvé d'autres jeux, d'un autre lavoir des mois d'août.
De cette cour, on accédait à un vestibule donnant sur des escaliers, ceux qui allaient vers mon "chez moi", d'autres vers les voisins de palier, à ma gauche, un couple de portugais et leur fille Annabelle, partenaire de mes jeux, à ma droite une dame âgée, plus précisement une Allemande ne parlant pas le français (changement de frontières obligent ! Elle n'avais jamais quitté sa maison et pourtant elle n'habitait plus dans son pays !)
Elle m'invitait de temps à autre à partager les sablés qu'elle venait de cuire et dont l'odeur embaumaient tout l'alentour, accompagné d'un bol de chocolat chaud, mais surtout elle me faisait découvrir un monde, qui à l'époque était tout aussi magique et étrange que mes mondes d'enfant.
Dans son appartement, tout faisait partie d'une autre époque, les ustensiles accrochés au mur de sa kitchenette, dont la plupart je ne savais pas à quoi ils pouvaient bien servir, l'album photo d'elle étant jeune, de sa famille évoluant dans des rues, des scènes d'une autre vie, des napperons en dentelles fines qu'elle confectionnait avec habileté et patience des grands-mères d'antan. Elle avait les cheveux blonds, très longs qu'elle tressait en nattes et qu'elle enroulait plusieurs fois autour de sa tête comme une couronne, comme la reine qu'elle était par le don de sa gentillesse, des yeux couleur lagon où j'aperçevais les vagues de ma mer chérie. Elle portait les habits traditionnels Alsaciens, des robes longues superposées, un tablier brodé enlacé à sa taille, mais avait abandonné la coiffe. De cette même cour, une allée très étroite, tracée entre les murs des maisons, conduisait à son jardinet. Mes parents m'avaient interdit d'y pénétrer, mais bon, comme si cela avait pu m'arrêter. J'ai maintes fois, discrètement, longé cette allée et observé ce personnage intrigant s'afférant aux tâches de son petit coin de paradis.
Et puis, il y avait un haut portail de bois permettant d'accéder à la cour et d'en sortir aussi !
Il donnait directement sur la rue, par conséquent, je n'avais pas le droit de le franchir seule sauf lorsque dans mes mains, ma mère me déposait quelques centimes qui allaient me permettre de me rendre à la porte se trouvant juste à côté du portail, une porte magique.
Cette porte magique, je l'ai si souvent poussée, que si elle existait encore on y verrait les traces de mon prénom dessinées par les doigts incrustés sur la poignée.
Pas besoin de sonnette, lorsque mes pas pénétraient la pièce, faisaient craquer les lattes du parquet en chêne qui avertissaient d'une présence.
La première sensation enivrante était les effluves de parfums, tous plus sucrés, plus doux, plus chauds, plus envoûtants les uns que les autres, m'attiraient tel le chant des sirènes envers les marins.
Plusieurs tables étaient dispersées là, recouvertes de nappes confectionnées à l'art du crochet et posés sur elles une multitude de bocaux transparents, laissant découvrir les couleurs de leurs antres. Mes yeux sautillaient d'une boule de verre à l'autre, faisant le choix du plaisir recherché à travers toutes ces sucreries, certaines en forme d'animaux me faisaient découvrir la savane, des bâtonnets de réglisse ou aux fruits, de la guimauve, des coccinelles, des nounours, des coquillages remplient de chocolat, des bonbons en collier, des bonbons à profusion !
Allez ! Pour la magie de l'instant, je porte à ma bouche un de mes préférés, un bonbon mauve ayant la forme et le goût délicieux de la violette.
Oui, ceux-là, existent toujours mais acheté au supermarché dans leur emballage de plastique, ils ont perdu, un peu, de leur authenticité.
Il n'y a que lorsque je le laisse fondre doucement, que mon palais emprisonne l'alléchant plaisir, que mon esprit s'extasie au don des souvenirs, que ces bonbons se remettent à pétiller avec cet extrême intensité, se remettent à chanter des paroles qui disent : "humm, ils sont si bons, si doux, si sucrés, si chauds, si empreint de la force et du pouvoir de la tendresse et de l'amour de l'âme de fée ayant placée ces quelques centimes dans le creux de mes mains..."
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